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- Nous
avons enregistré cet album en quartette : Thierry Réocreux à
la contrebasse (et parfois au chant), Sébastien Authemayou à
l’accordéon ou au bandonéon, Frédéric Finand à
l’enregistrement et moi-même à la guitare et au chant. Le
travail a duré quatre jours.
- Nous
avons privilégié les prises directes. Il n’y a ni montages ni
re-recording (sauf pour la chanson Pablo où j’ai ajouté une
guitare et où la coda est un montage, c’est-à-dire
l’assemblage de deux prises différentes).
- Nous
avons procédé de cette manière pour essayer de capter le plus
de vérité musicale et d’émotion possible. J’espère que
nous y sommes parvenus.
- Les
arrangements sont à peine esquissés avant chaque prise et leur
caractère improvisé est stimulant pour tout le monde, il
y a une sorte de tension qui s’installe, propice à la
vie de la chanson dans l’univers assez froid du studio.
- Bien
sûr cette méthode ne permet pas de gommer tous les défauts (et
il y en a beaucoup),
ni d’obtenir quelque chose de bien « fini » comme
dans les productions commerciales.
- Mais
à ce propos je garde toujours en tête cette réflexion du
peintre Degas à qui l’on demandait son avis
sur le caractère « fini » d’un tableau dans
une exposition qu’il visitait et qui répondit que le tableau
ne pouvait pas être « fini » puisqu’il n’était
même pas commencé !
- Cette
phrase m’a frappé et j’essaie donc de faire des
enregistrements qui à défaut d’être bien « finis »
soient au moins bien « commencés » !
- Quand
j’enregistre je crois que c’est davantage dans l’esprit
du jazz que dans celui de la chanson, où
traditionnellement, du moins depuis que les studios sont
multipistes, l’enregistrement consiste à empiler des sons les
uns sur les autres (l’arrangement) et sur lesquels en dernier
ressort on pose la voix ou les voix.
- Je
préfère une méthode plus directe, finalement plus proche
d’une époque où la technique ne permettait pas le re-recording.
Bien d’autres ont procédé comme ça avant moi, je n’invente
rien, mais simplement je pense que c’est la méthode la plus
adaptée au style de mes chansons et surtout à mes moyens de
production.
- Je
viens de lire un livre de Greil Marcus qui relate
l’enregistrement de la très célèbre chanson de Bob Dylan,
Like a Rolling Stone. Greil Marcus a pu écouter l’intégralité
des séances de l’enregistrement et en guise de conclusion il
dit que finalement la création de cette chanson, qui a marqué
profondément les esprits en 1965 et même après, a été une
sorte d’accident. Ce que l’on conçoit aisément quand on
entend les divers instruments qui jouent ensemble de manière plus
ou moins anarchique, mais pourtant ça finit par marcher ! Le
« fini » de la chanson n’est pas terrible, mais une
chose est sûre, elle
a vraiment commencé !
- Peut-être
que c’est ce que je cherche aussi, une sorte d’accident, où
les choses échappent un peu au contrôle. L’absence d’imprévu
dans un enregistrement ne peut donner qu’une chanson sans imprévu
et donc, à mon avis, moins intéressante. Ça ne marche pas à
tous les coups bien sûr, mais
c’est un tel plaisir de tenter sa chance et c’est tellement
bien quand ça réussit, que ça vaut bien quelques imperfections.
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Pierre, le 10 novembre 2005
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