La belle absente
 
 
Elle contemplait
Son corps nu parfait
Devant le miroir
 
De mon lit défait
Je la regardais
C’était beau à voir
 
Ses effets étaient
Posés sur la chaise
Près de l’armoire
 
Elle s’habillait
Sans hâte c’était
La tombée du soir
 
Je la regardais
Nouer ses lacets
Refaire sa coiffure
 
Puis quand elle semblait
Enfin satisfaite
De son allure
 
Elle me disait :
« C’était très bien mais
Il faut  que je file »
 
Puis elle posait
Un baiser distrait
Sur mon front docile
 
Alors j’écoutais
Ses pas s’éloigner
Tout le long du mur
 
La porte grinçait
Puis se refermait
Terrible blessure
 
Tout autour la nuit
Se brisait sans bruit
En menues fêlures
 
Et moi je restais
Le cœur aux aguets
Seul en mon armure
 
Alors j’inventais
Je ne sais quoi et
Dans la fumée lente
 
Je redessinais
Le corps nu parfait
De ma belle absente
 
Je l’imaginais
Qui me revenait
Qui disait «  je reste »
 
Mais tout s’embrouillait
Se désintégrait
En cendres funestes
 
Et comme battait
Le sang des regrets
Tout contre ma tempe
 
Dans mon lit défait
Je me retournais
J’éteignais ma lampe.
 
 
 
Pierre Delorme